Paru en 2025, le cinquième album de Post Death Soundtrack, projet solo du Canadien Stephen Moore, est une plongée sans retour dans les profondeurs du psychisme humain, entre détresse brute, illumination douloureuse et beauté nue. Avec 30 morceaux oscillant entre noise industriel, folk acoustique et goth post-punk, “In All My Nightmares I Am Alone” est un pavé lancé dans la vitrine trop propre du rock contemporain.
De Cobain à Nick Drake : Post Death Soundtrack Hérite de la Fragilité Des Génies
Depuis Calgary, Stephen Moore construit depuis des années un univers musical inclassable. Un point de rencontre entre la rage du metal, la fragilité du folk, les spasmes du post-industriel et une poésie existentialiste rarement entendue à ce niveau d’intensité. Après le succès critique de “Veil Lifter” en 2024, salué par Doom Charts et Metal Devastation Radio, l’artiste ne s’est pas reposé. Au contraire. Il a plongé tête la première dans les archives oubliées de son propre passé, et ce qu’il en a ramené est vertigineux.
In All My Nightmares I Am Alone débute comme un coup de poing dans le ventre. “TREMENS“, écrit et finalisé en plein épisode de delirium tremens – état médical critique dont Moore est sorti vivant avec seulement 85 % de chances – est une ouverture qui mêle chaos, peur et transcendance. L’intensité y est brute, fébrile, viscérale. À ses côtés, “GOOD TIME SLOW JAM (IN ALL MY NIGHTMARES I AM ALONE)” canalise une énergie débridée à la Skinny Puppy ou Nine Inch Nails. Ce n’est pas tant de la musique qu’une expérience sensorielle où la douleur devient matière.
Fragments d’un moi éclaté
Mais l’album n’est pas qu’un cri. Il est aussi une série de murmures, de confessions acoustiques (“Reckless Fever“, “Surrender“) ou de réinterprétations troublantes. L’artiste s’approprie “VENUS IN FURS” du Velvet Underground et “River Man” de Nick Drake avec une sincérité rare. Ce dernier, enregistré en 2010 dans son appartement, est un moment suspendu : imparfait, intime, magique.
“Song for Bonzai“, seule piste instrumentale de l’album, rend hommage à son chat bien-aimé, récemment décédé. Cette pièce cristallise à elle seule la démarche de Stephen Moore : transformer le chagrin en art, l’absence en offrande.
La plupart des morceaux de l’album ont été retravaillés, réarrangés, voire totalement recréés à partir d’enregistrements datant de 2009 à 2011. D’autres sont neufs, écrits et produits en 2025, parfois dans la douleur, toujours dans une honnêteté radicale. “SOMETHING STIRS“, par exemple, mêle souvenirs d’un vol nocturne et conte morbide pour enfants, “Who Has My Golden Arm?“. Plus loin, “WE FALL” évoque le deuil avec une simplicité presque insupportable.
Les références fusent, mais ne se copient jamais : Frontline Assembly dans “A MONOLITH OF ALARMS“, Tom Waits revisité avec “God’s Away On Business” ou “What’s He Building In There?“, la poésie noire de Leonard Cohen planant sur plusieurs ballades. Moore ne s’inspire pas, il dialogue avec ses fantômes.
Un album fleuve, une confession totale
Avec ses 30 titres, l’album ressemble à une autobiographie sonore. “FINAL DAYS” s’autorise un délire punk rock apocalyptique, “HYPNOTIZER” explore des motifs orientaux à la Led Zeppelin pour mieux dénoncer l’analphabétisme émotionnel contemporain, tandis que “An Anything” rend hommage à un ami proche, Ryan Smith, avec une mélancolie abyssale.
C’est aussi un disque courageux, traversé de confessions impudiques, de crises mentales, de solitudes nocturnes et d’une résilience qui refuse l’esthétique de la victimisation.
“In All My Nightmares I Am Alone” n’est pas un album facile. Il est dérangeant, parfois trop honnête, souvent bouleversant. Mais c’est précisément ce qui le rend si précieux. Il donne voix aux oubliés, aux malades, aux esseulés.
En ce sens, cet album est un acte de survie autant qu’un chef-d’œuvre d’expression personnelle.