Il y a dans la musique de Chris Rusin quelque chose d’essentiellement humain : la lumière fragile qui survit après la tempête. Avec son premier album “Songs From A Secret Room“, le chanteur-songwriter américain signe une œuvre folk-americana née d’un long silence imposé par la maladie et d’un retour à la vie porté par la musique.
Une chambre secrète, une voix retrouvée
Originaire du Kansas, installé aujourd’hui dans le Colorado, Rusin n’a rien d’un produit formaté. Son univers s’est construit dans la solitude des montagnes et les cicatrices d’un combat personnel. Trois ans plus tôt, un cancer et une chimiothérapie l’avaient privé de voix. Ce mutisme forcé, il l’a transformé en moteur créatif. Songs From A Secret Room en est le résultat : un disque où chaque note semble peser le poids de ce qu’elle veut dire.
Avant même sa sortie officielle, l’album avait déjà trouvé son public : plus de 150 000 écoutes sur Spotify et 200 000 vues YouTube pour les premiers extraits, preuve qu’il touche profondément.

Au cœur des cicatrices
L’album s’ouvre sur “Cinders”, un morceau folk racé, traversé de dobro et de banjo, où les harmonies vocales s’entrelacent comme les souvenirs d’un amour brûlant. C’est le point de départ parfait pour plonger dans cet univers roots, où chaque instrument semble respirer.
Vient ensuite “The Dark”, l’un des sommets du disque. “I lost you to the dark in the end / You were my best friend”, chante Rusin d’une voix tremblée. Le morceau se transforme peu à peu en un chant funèbre, porté par un tambour de guerre et un violoncelle grave.
Avec “Flower”, Rusin explore les nœuds de l’amour. “The knot that we tied became a tangle…” chante-t-il, dans un duo aérien soutenu par une guitare étouffée à l’éponge, une pedal steel et un hammered dulcimer. Une chanson d’une douceur poignante sur l’amour qui se délite sous le poids du réel.
“Life Is Easy” est une réflexion sur la moralité et ses dilemmes. Sur un groove de guitare le morceau s’envole vers un final rythmique, à mi-chemin entre le gospel et la folk.
Enfin, “Time To Love” clôt l’album sur une note de pure émotion. Écrit après “le Noël le plus difficile de sa vie”, c’est un morceau dépouillé, où la tristesse s’exprime en silences. Cette chanson a valu à Chris une place à la prestigieuse Song School 2024 de Planet Bluegrass, sous la direction de Pat Pattison.
Une folk chaleureuse et sensible…
Musicalement, Chris tisse une folk d’auteur épuré, traversée de cordes chaudes, de percussions discrètes et de chœurs suspendus. On pense à Gregory Alan Isakov, à Iron & Wine ou à The Paper Kites, ces artisans du murmure capables de transformer une confession en catharsis. Ici, pas de tape-à-l’œil : la production, volontairement sobre, laisse toute la place à la voix, vibrante et habitée.
Les chansons parlent d’amour et de perte, de renaissance et de pardon. De ce couple qui se construit alors qu’on ne sait pas encore qui l’on est. De la tentation d’abandonner, puis de la grâce de continuer. Chaque morceau — Cinders, The Dark, Leave It In The Snow — semble écrit au bord d’un gouffre, mais joué avec la conviction qu’il existe toujours un rivage de l’autre côté.
témoignage d’une musique retrouvée
Songs From A Secret Room n’est pas un album qui cherche à briller, c’est un album qui cherche à rester. Il ne s’écoute pas en fond sonore : il s’habite, lentement, comme une maison qu’on apprend à aimer. Dans un paysage musical saturé d’artifices, Chris Rusin choisit la voie la plus risquée, celle de la vérité.

 
  
                












