Avec Trip Tape III, Milky Chance continue de brouiller les frontières entre l’expérimentation libre et la pop indé ciselée. Ce troisième volet, à mi-chemin entre la mixtape et l’album de transition, condense tout ce qui fait la singularité du duo allemand : des grooves organiques, une mélancolie légère et cette errance solaire.
Le concept des Trip Tapes, né en 2021, fonctionne comme un laboratoire sonore : un espace de jeu et d’improvisation où Milky Chance teste, explore, dérive. Ce nouveau chapitre ne déroge pas à la règle. Enregistré entre Berlin et Kassel, Trip Tape III aligne onze titres. On y retrouve des compositions originales et des réinterprétations dans un collage qui respire la spontanéité.
Un trip qui garde les pieds sur terre
Dès les premières mesures de Camouflage, on retrouve ce mélange caractéristique d’euphorie contenue et de douceur hypnotique. La guitare tisse une ligne claire, presque tropicale, pendant que la voix de Clemens Rehbein, reconnaissable entre mille, déroule sa mélancolie râpeuse. C’est un titre qui marche au rythme d’un battement de cœur, discret, régulier, mais intensément humain.
Puis vient Safari, plus électronique, plus nerveux, où Milky Chance assume ses penchants pour la dance music sans jamais trahir son ADN folk. On y entend cette envie de mouvement, d’échappée, qui hante tout le disque.
L’art du déséquilibre maîtrisé
Ce qui frappe dans Trip Tape III, c’est ce contraste constant entre l’ordre et le chaos. Milky Chance y explore l’ambiguïté du lâcher-prise : une mélodie peut être joyeuse et triste à la fois, on ne sait plus si on doit danser ou pleurer, peut-être les deux après tout.
Million Dollar Baby, reprise inattendue, illustre bien cette dualité. Loin de la flamboyance de la version originale, Milky Chance en fait un titre bancal et fragile, habité d’une nostalgie douce-amère. Même quand le tempo s’accélère, la mélancolie n’est jamais loin.

Entre studio et route, la recherche d’un souffle
L’esprit du voyage imprègne tout le disque. Ce n’est pas un hasard si les Trip Tapes sont souvent conçus entre deux tournées, sur la route, dans cette zone liminale où l’on n’appartient nulle part. Trip Tape III est un carnet de bord sonore : un patchwork de sons, de textures, de fragments.
Le duo, épaulé par des musiciens comme Mike “Bonecrusher” Vattuone (batterie) ou Tom Meagher (guitares), trouve ici son équilibre entre le lâché-prise et la maîtrise. La production, fine et feutrée, laisse respirer chaque instrument. Il y a quelque chose d’artisanal, de sincère, presque lo-fi dans cette approche.
Conclusion : la beauté des marges
Certaines critiques ont jugé Trip Tape III “trop plat”, “sans vie”. C’est mal comprendre sa nature. Ce projet n’a jamais voulu être un disque de hits : c’est un espace de respiration. Un instantané d’artiste entre deux mondes, entre l’envie de pop immédiate et la quête de profondeur.
Milky Chance ne cherche plus à séduire, mais à se retrouver dans ce désordre maîtrisé.
Dans Trip Tape III On y retrouve tout ce qui fait la force de Milky Chance : la fragilité, le groove organique et des refrains accrocheurs.
Un disque pour ceux qui préfèrent le flou à la perfection, les routes de traverse aux autoroutes du streaming. Une ADN qui match parfaitement avec la vibe “Riptide”, on ne peut que conseiller.