Couché de soleil sur le lac du Bourget, au loin Jean-Louis Aubert à rendez-vous avec les festivaliers, quant à nous c’est un tout autre univers qui nous attend. Sourire timide et look émo des années 90, la talentueuse Théa nous accorde cette dernière interview qui vient conclure en beauté ces 4 jours à Musilac.

Théa : la jeune productrice qui fait vibrer les murs et les cœurs

Bonjour Théa, merci de nous accorder un peu de temps ! Déjà, est-ce que tu pourrais te présenter à quelqu’un qui ne te connaît pas ?
Je m’appelle Théa, j’ai 23 ans et je fais de la musique…
Généralement un peu trop bruyante pour les voisins, mais pas trop non plus.
C’est de l’hyperpop en général, on la définit comme ça.

Est-ce que tu pourrais nous expliquer ce qu’est l’hyperpop ? Parce que c’est un style encore assez récent… Chacun a un peu sa propre définition de l’hyperpop.
Moi, je dirais que c’est une musique digitale, faite sur ordinateur, où le principe est de pousser tous les curseurs à fond.
Si tu mets un son bruyant, il va être le plus bruyant possible. Un kick ? Le kick le plus kick possible. Un moment calme ? Le plus calme possible. C’est une musique qui pousse tous les genres à l’extrême, tout en cassant les codes des styles habituels.
C’est une musique très… hypersensible, en fait. C’est assez viscéral, même dans la manière de la produire.

J’ai vu que tu viens d’une famille engagée. Comment ce militantisme se retrouve-t-il dans ton propre univers musical ? J’ai aussi milité moi-même. Mais oui, j’ai été sensibilisée très tôt à faire attention aux autres, à moi-même, à se poser les bonnes questions. Vu le contexte actuel, c’est difficile de parler de soi sans parler du monde autour, qui est souvent dur.
Il y a de plus en plus de haine, de fascisme… Donc, quand je me raconte, je parle aussi du contexte. C’est naturel.

On en parlait avec Orange Blossom juste avant. Ils disaient qu’aujourd’hui, un artiste a presque un devoir d’engagement. Tu es d’accord ? Oui, complètement.
Il y a des gens qui aimeraient que les artistes “ferment leur gueule et divertissent”, tu vois.
Mais quand on vit dans un monde comme le nôtre, ne pas parler, c’est aussi un choix politique.
Choisir de ne pas prendre la parole, de ne pas utiliser sa voix, c’est déjà faire un choix.
Donc oui, c’est étrange pour moi de ne pas utiliser cette plateforme qu’on a en tant qu’artiste pour véhiculer certaines choses.

La scène comme catharsis

Tu as sorti récemment ton EP “Comète” Tu peux nous en dire quelques mots ? Tes influences, ce que tu y racontes ?Comète, c’est vraiment : qu’est-ce que c’est d’avoir 23 ans en 2025.
Je me raconte dedans. C’est un projet assez punk, digital, sensible, un peu insolent.
C’est une musique à fleur de peau, dans la production comme dans les textes.
Ça parle du réel tel que je le vis : le joli, le dur, le viscéral.

Ce n’est pas difficile à retranscrire en live ? Montrer autant de vulnérabilité, face à un public ? C’est vrai qu’au début, c’est flippant d’être vulnérable publiquement.
Mais en fait, tout le monde a déjà ressenti la peur, le rejet, la recherche de soi, la joie… Ces émotions humaines, très fortes.
Et aujourd’hui, se rassembler autour de ça, c’est super pertinent.
Ma musique est parfois dure, oui, mais il y a toujours de l’espoir et de la combativité.
C’est aussi une musique pour danser, transpirer.
Le live, c’est une catharsis collective : on traverse des choses ensemble.

Et justement, tes lives, tu aimerais les voir évoluer comment ? Là déjà, on est à Musilac, en tournée de festivals, c’est fou. On sera en salle en 2026, avec un Olympia !
Donc bon… ce serait presque avare d’en vouloir plus. Mais oui, j’espère qu’on va continuer à se rassembler, voyager, faire danser les gens. C’est ça que je kiffe le plus.

Et en studio, si tu pouvais faire des collabs avec qui tu veux, tu choisirais qui ? C’est dur comme question ! *rire*
Je n’ai pas encore fait beaucoup de collaborations. J’ai beaucoup bossé seule, devant mon ordi.
Là, je rêve de m’entourer davantage, aussi en studio. Mes rêves fous ? 100 gecs, Bring Me The Horizon… Très ricain, ouais !

Du local à l’international, porter les voix invisibles

Tu as tourné un peu à l’international déjà ? Pas beaucoup.
On a fait une date en Allemagne. J’adore ce qui se passe là-bas, il y a une scène pop ultra touchante.
On a aussi fait la Suisse, la Belgique… Mais pour l’instant, c’est encore assez francophone.

Tu penses que certains pays sont plus sensibles à ton style, à l’hyperpop, que la France ? En France, il y a l’attachement au texte, donc ça marche bien aussi.
Mais l’Allemagne, clairement, ils ont une vraie appétence pour l’émotion, le côté un peu emo, metalcore.
Et il paraît qu’au Brésil aussi, ils sont hyper chauds pour ça !
Bon, ça fait loin… mais pourquoi pas un jour.

Si tu avais un message à faire passer aux personnes queer, ou simplement à celles qui veulent se lancer dans la musique, tu leur dirais quoi ? Il faut s’entourer.
Croire en les gens autour de nous, et surtout croire en soi.
On a le droit de prendre cette place-là.
Que tu sois queer, que tu sois une meuf… On voit ce que ça provoque dès qu’une meuf prend de la place, sur les réseaux.
Mais on a le droit. Et le public est de plus en plus prêt à l’entendre.
Alors allez soutenir vos artistes locaux, vos artistes queer, vos artistes meufs.
Et pour les artistes : croyez en vous et prenez votre place.